Mis à jour le 25 avril, 2024
A toutes les époques et dans toutes les régions du monde, la terre a constitué un matériau de choix pour l’habitat. Le pisé, que l’on trouve toujours en France, est un matériau qui présente de nombreux avantages. Néanmoins, il est indispensable de bien comprendre ses caractéristiques pour ne pas entreprendre de rénovation qui s’avèrerait néfaste.
Une technique ancestrale
Pisé, mais aussi torchis, bauge et tous les autres types de terre crue, sont utilisés en construction depuis des millénaires. Les exemples d’architectures berbères, ou encore aztèques, témoignent d’un savoir-faire complet, qui n’a rien à envier aux constructions et matériaux modernes.Un temps oubliées pour laisser la place aux nouveaux types de bâtiments, les techniques de construction en terre crue sont aujourd’hui revenues au goût du jour, notamment pour leur qualité écologique.
Le pisé, plus particulièrement, est un mur de terre argileuse compressée. Son mélange est variable selon les techniques et le sol de la région. Il est généralement constitué à 70% de sable et à 30% d’argile. Ce mélange est ensuite humidifié (autour de 10% d’eau), malaxé et coffré. Un procédé simple, en apparence, que l’on retrouve principalement dans la région grenobloise, grande spécialiste du genre. Mais qui s’avère délicat à restaurer ou à rénover.
Un mur qui respire !
Le pisé possède des qualités qui lui sont propres. Outre le fait qu’il soit solide et qu’il constitue un excellent isolant phonique, c’est un matériau qui absorbe la chaleur environnante, permettant ainsi d’économiser l’énergie. Il régule également l’humidité de l’air et favorise un climat sain, ce qui en fait un matériau optimal pour les personnes souffrant de troubles respiratoires (asthme, muqueuses desséchées, par exemple).
Toutefois, ces qualités reposent sur une bonne fabrication et une mise en place adéquate du pisé. Il s’agit d’un matériau très spécifique, qui supporte mal certains produits modernes.
De manière générale, rappelez-vous que le mur doit, avant tout, respirer. La peinture, le placo, un enduit trop rigide… Autant de couches qui empêchent cette respiration et qui, à la longue, dégraderont le mur.
Si un bâtiment en pisé est dégradé, il faut prendre le temps d’en identifier exactement la cause”, explique Vincent Rigassi, architecte grenoblois membre du réseau Ecobatir. “Rénover une maison qui n’a pas été touchée depuis sa construction est beaucoup plus facile. Dans les années 1970-1980, beaucoup de rénovations du pisé ont été mal faites, avec des matériaux modernes et peu adaptés. Rattraper les dégâts n’est pas toujours possible, on s’en rend compte aujourd’hui”.
Utiliser les bons produits
Passer un enduit de qualité est le seul moyen de protéger un mur en pisé. Pour commencer, bannissez tous les enduits à base de colle, de ciment, ainsi que les peintures. “Il faut à tout prix choisir des enduits à dosage faible. Le pisé est souple et il respire : il ne faut donc pas utiliser un enduit trop rigide, qui risquerait de faire exploser la pierre et de la fissurer” confirme Vincent Rigassi.
En outre, le choix de l’enduit dépend également de la qualité de la terre et des températures de la région. “Le pisé peut nécessiter un enduit à la chaux et, dans ce cas, il faut prévoir de le refaire tous les cent ans environ”, selon Nicolas Meunier, artisan maçon du Sud-Est, spécialiste du pisé et de la terre-argile. Privilégiez donc les enduits naturels, comme ceux à base d’argile, de sable et de paille, un mélange que l’on applique souvent aux murs en terre.
L’humidité est le principal risque de détérioration du pisé. A cela, pas de solution globale, mais un traitement au cas par cas : “Il faut se méfier car il y a énormément de vendeurs qui proposent des solutions miracles, des appareils à aspirer l’humidité…” prévient Vincent Rigassi. Avec le risque de détériorer durablement la construction.
Une affaire de professionnel
Vous l’aurez compris, la restauration du pisé est une affaire délicate. Le dosage de la composition du matériau, le choix de l’enduit, l’état de dégradation du bâti… Difficile pour un novice de gérer toutes ces variables. Il est donc vivement conseillé de faire appel à un professionnel qui, après avoir effectuer son diagnostic, vous proposera une solution efficace.
Cependant, le savoir-faire en matière de pisé est devenu rare. “A part dans les environs de Grenoble et de Lyon, les artisans qui possèdent ce savoir-faire sont vraiment peu nombreux”, confie Dirk Eberhard, artisan et formateur en construction écologique installé dans l’Aude (11). “C’est dommage car le pisé est un matériau magnifique, qui plairait à beaucoup de monde s’il était mieux connu”.
Les spécialistes de la terre crue connaissent heureusement un véritable renouveau, depuis que les considérations écologiques ont pris une place primordiale dans la construction. Très présents en Isère (38), ces artisans sont rarement regroupés en réseau et restent par conséquent difficiles à trouver.
Pourtant, devant l’engouement nouveau des particuliers pour les matériaux naturels, des formations commencent à voir le jour. On peut citer la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), qui a créé le label ‘Eco-artisan’, ou encore des formations proposées par les CAUE (Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement de France), ainsi que des associations militant pour le développement des constructions écologiques (comme l’Association nationale des professionnels de terre crue, qui a mis en ligne un annuaire de professionnels).
Trouver le professionnel capable de rénover votre maison peut prendre du temps, mais vous évitera de dégrader – parfois définitivement – les façades de votre maison.