Atelier, grange : Changement de destination

Mis à jour le 24 avril, 2024

Passer d’un local d’activités industrielles à un logement ou d’une habitation à une activité artisanale nécessite, s’il y a travaux, d’obtenir un permis de construire qui est accordé en fonction des orientations d’urbanisme choisies par la commune. Avant de s’engager, mieux vaut bien connaître les implications du changement de destination.

Qu'est-ce qu'un changement de destination ?

Le changement de destination est le passage d’un type d’usage (activité ou logement) à un autre. Grâce aux règlements d’urbanisme, chaque ville définit sur son territoire les zones où elle privilégie tel ou tel usage ainsi que des règles spécifiques qui lui permettront d’influer sur le développement urbain.

Transformer un ancien atelier en loft, un hôtel désaffecté en maison d’habitation, des bureaux en appartement ou une grange en restaurant : tous ces cas de figure s’apparentent à un changement de destination et nécessitent, s’ils s’accompagnent de travaux, la délivrance d’un permis de construire.

L’administration distingue neuf types différents d’usages de locaux : habitation, hôtel, bureaux ou services, industrie, commerce ou artisanat, équipement collectif, entrepôt commercial, usage agricole, stationnement. Que l’on soit en zone urbaine ou en zone agricole, le principe est le même : tout passage de l’un de ces usages à un autre est considéré comme un changement de destination. A contrario, si l’on modifie l’activité au sein de la même catégorie d’usage, il n’y aura pas de changement de destination et donc pas besoin de permis de construire : on restera sous le régime de la déclaration en cas de travaux.

Le permis de construire est accordé en fonction de l’adéquation de ce changement de destination aux règlements d’urbanisme locaux. Ces règles – plan d’occupation des sols (POS) ou plan local d’urbanisme (PLU) – varient d’une commune à l’autre, car chacune est libre de décider de ses orientations.

 

Une ville qui cherche à préserver la destination d’origine de ses locaux industriels et à maintenir la mixité des usages et des habitants (en évitant un trop grand afflux de “bobos” investissant des lofts) inclura une obligation de maintien de 50% d’activité lors d’un changement de destination, comme le fait Bagnolet (Seine-Saint-Denis). “Une ville perd de la taxe professionnelle lors de la transformation d’une activité en logement. Elle peut vouloir chercher à limiter le phénomène”, explique M. Leroux, au service de l’urbanisme de cette commune. Telle autre ville moyenne n’aura pas les mêmes critères. Ainsi, Villemomble (Seine-Saint-Denis) a des prescriptions architecturales régissant les rez-de-chaussée qui interdisent de fait toute transformation d’une boutique en logement, la volonté de la commune étant de protéger le commerce de détail.

En zone rurale, telle commune, par exemple, interdira de transformer des constructions situées en zone agricole en habitation, tandis que sa voisine l’autorise. Dans certaines régions, ce type de changement de destination est considéré par les communes comme une aubaine par des communes : “Cela permet de repeupler des coins isolé,s de sauvegarder le patrimoine”, explique Marie-Claude Bouyge, responsable du pôle urbanisme à la DDE de Saint-Léonard-de-Noblat, dans la Haute-Vienne.

Comment s’assurer d’obtenir le permis avant d’acheter le bien? Le mieux est de se renseigner dès que possible aux services de l’urbanisme concernés. On peut toujours se prémunir en insérant dans la promesse de vente une clause suspensive d’obtention du permis.

Une autorisation légale (permis de construire ou déclaration de travaux) est requise pour les travaux d’aménagement intérieur qui ont pour effet de changer la destination de l’espace ; dans la majorité des cas, c’est d’un permis de construire qu’il s’agit. Dans le cas de la transformation d’une activité en logement, quels sont les travaux qui nécessitent un permis de construire? Tout ce qui a trait à ce changement : déplacement de cloison, installation d’une salle d’eau ou d’une cuisine, etc.. Comme il est difficile d’imaginer un changement de destination sans travaux, le permis de construire s’impose donc dans les faits même si la loi prévoit que, s’il n’y a pas de travaux le permis de construire, n’est pas obligatoire. “Quand on a un doute, le mieux est de se renseigner auprès des services techniques de sa mairie“, déclare Didier Ganier, juriste à l’Adil de l’Yonne. “Souvent les gens perdent du temps en déposant une déclaration de travaux et sont obligés de refaire ensuite un dossier de permis de construire.

Si vous venez de visiter la grange de vos rêves au milieu d’une vallée isolée, ou si vous venez d’apprendre que l’atelier voisin, que vous guignez depuis des années, est à vendre, courez au service de l’urbanisme de votre commune. Il s’agit de s’assurer au plus tôt des règles d’urbanisme qui sont applicables au cas qui vous intéresse et de connaître les hypothèses de refus de permis de construire.

A ce stade, le service de l’urbanisme ne pourra pas s’engager, cependant, sur votre chance ou non de l’obtenir. “L’octroi du permis de construire dépend du respect des treize ou quatorze règles du POS“, déclare M. Leroux, instructeur “droit du sol” à la mairie de Bagnolet (Seine-Saint-Denis). “Mais je ne pourrai jamais donner à quelqu’un l’assurance qu’il l’aura, car le décideur final, c’est le maire.

Reste une solution pour ne pas risquer de se retrouver le bec dans l’eau après avoir acheté un vieil hôtel et ne pas pouvoir la transformer en habitation : la condition suspensive dans la promesse de vente. “Si les réponses du service de l’urbanisme sont trop vagues, le mieux est de bloquer le bien en signant une promesse de vente avec une conditions suspensive d’obtention du permis de construire et de déposer le dossier au plus vite“, conseille-t-on à l’Adil de l’Yonne. La somme avancée lors de la promesse sera remboursée intégralement. En cas de refus du permis.

Attention toutefois à prévoir dans la promesse, pour la signature de l’acte de vente définitif, une date limite qui intègre le délai d’instruction du permis : le délai légal maximum est de deux mois, mais il peut être prolongé d’un mois si le projet nécessite la consultation de services extérieurs, par exemple s’il implique l’accord de l’architecte des Bâtiments de France (cas d’une construction située à 500 m d’un monument historique), et jusqu’à quatre mois dans certains (rares) cas où la construction est en zone de co-visibilité d’un monument historique. Vous aurez, pour la même raison de délai, intérêt à soumettre un dossier soigné, pour ne pas risquer que l’on vous demande des pièces supplémentaires, ce qui retardera d’autant sa délivrance.

Si le logement est situé à Paris, dans les communes situées à moins de 50 kilomètres de la capitale ou dans une commune de plus de 10.000 habitants, il existe une autre possibilité, celle du changement d’affectation temporaire. Selon l’article 631-7-1 du code de la construction, une mairie peut attribuer un changement d’affectation temporaire d’une durée maximum de 13 ans. Dans ce cas de figure, seule une déclaration de travaux sera nécessaire. Mais en dehors de la simplicité plus grande du dossier à constituer, les règles d’urbanisme à respecter seront les mêmes et l’instruction du dossier se fera selon les mêmes critères. Et, bien sûr, le changement d’affectation n’a qu’un temps limité.

Enfin, faut-il prendre un architecte pour un projet incluant un changement de destination ? La règle est la même que pour n’importe quel permis de construire : au-delà de 170 m² de surface hors œuvre nette (SHON, c’est-à-dire la surface des planchers après déduction des combles et sous-sols dont la hauteur sous plafond est inférieure à 1.80m, des toitures-terrasses, balcons, etc., des parkings et garages, des bâtiments agricoles), le recours à l’architecte est obligatoire. Gardez à l’esprit cependant que, le plus souvent, un architecte saura faire passer un permis de construire plus facilement qu’un particulier. De plus, le changement de destination, selon les règles de votre commune, pouvant se révéler particulièrement difficile, les compétences de l’homme de l’art et son habitude de traitement des dossiers peuvent faire la différence.

Cas particulier : un changement de destination sans démarche légale est toléré, à titre individuel, pour les professions libérales qui aménagent un bureau dans leur appartement. Attention cependant, les règlements de certaines copropriétés peuvent imposer certaines obligations ; dans le cas de copropriété, que l’aménagement soit intérieur ou extérieur, il est impératif de se référer au règlement interne.

Pour transformer un logement en local où vous exercerez votre activité, vous devez passer par les services de l’Etat, qui donnent un accord de principe. La mairie, elle, juge de l’adéquation de votre projet à ses règles d’urbanisme.

Si vous souhaitez transformer un logement en local d’activité, totalement ou partiellement, vous tombez sous deux régiments réglementaires différents : le code de la construction et de l’habitation, qui vise le changement d’affectation, et les règlements d’urbanisme, qui régissent les changements de destination.

Le changement de destination fait l’objet d’un permis de construire : il s’agit pour la commune de vérifier que la modification demandée est acceptable du point de vue de ses orientations urbaines. Le changement d’affectation (passage d’un type d’usage à un autre) fait l’objet d’une demande auprès du préfet : il s’agit de demander au représentant de l’Etat s’il autorise sur le principe la transformation d’un logement en local hébergeant une activité. La règle de base est en effet l’interdiction à Paris, dans les communes situées à moins de 50 kilomètres de la capitale et dans celles de plus de 10.000 habitants.

Un changement partiel, par exemple transformer une partie de sa maison en cabinet de kinésithérapeute, nécessitera une simple autorisation. En cas de changement total d’affectation (un médecin souhaite utiliser la totalité d’un appartement comme cabinet médical), il faut en outre demander une dérogation au préfet. En pratique, seules les professions libérales (et les administrations) les obtiennent. Ces autorisations de changement d’affectation sont accordées à titre individuel pour un type d’usage et retourne à l’usage d’habitation en cas de vente.

Ainsi, un médecin qui souhaite transformer la totalité d’un appartement en cabinet médical sans effectuer de travaux qui relèvent d’un permis de construire, devra faire une demande dérogatoire de changement d’affectation, mais pas de changement de destination. En revanche, s’il veut ne transformer qu’une partie du logement où il vit, et que les travaux nécessitent un permis, il n’aura qu’une autorisation à demander au préfet, mais devra déposer un dossier de permis de construire.

Ceux-ci sont instruits en fonction des critères propres à chaque commune. Ainsi, un photographe souhaitant installer un studio dans son logement pourra se voir accueillir de façon totalement différente s’il s’adresse un petit village qui cherche à attirer des activités ou à une ville qui souhaite freiner la transformation de ses ateliers en logements.

Pensez également, en cas de copropriété, que celle-ci a son mot à dire sur un changement de destination de l’immeuble : l’accord de l’assemblée des copropriétaires est nécessaire.

Permis de construire

Les spécificités des zones rurales et urbaines

La règle générale est la même pour tous les cas de figure : changement de destination = permis de construire. Mais, en ville ou à la campagne, les critères d’attribution de celui-ci diffèrent. Les services instructeurs des permis vous informeront sur les pratiques habituelles du secteur.

Citadins qui rêvez de transformer cette vieille grange en paradis bucolique, ne perdez pas de vue que la campagne présente des particularités à prendre en compte dans le cas d’une demande de permis de construire. Celui-ci sera attribué, ici aussi, en fonction des règles du POS ou du PLU, qui diffèrent d’une commune à l’autre. Certaines règles générales peuvent être tirées cependant : “Si la dépendance est en continuité du bâti, en sortie de village, par exemple, il n’y aura a priori pas de problème“, souligne Didier Ganier, de l’Adil de l’Yonne. “Si par contre, il s’agit d’une grange isolée dans la campagne, il y a plus de risque, car les municipalités cherchent souvent à éviter le mitage du territoire.

Certaines communes empêchent en effet la transformation de bâtiments agricoles en habitations. Mais les règles d’urbanisme peuvent évoluer. “Nous l’interdisions au départ, explique-t-on à Ribérac (Dordogne), mais nous avons révisé le POS pour autoriser le changement d’affectation car cette règle empêchait l’installation d’enfants d’agriculteurs.” Le PLU, qui remplace peu à peu les POS, permet de préciser, dans une zone agricole, quel type de construction peut donner lieu à des changements de destination : “En général, les communes les autorisent, mais leurs règlements précisent que ces changements sont possibles sur du bâti en pierre ou en terre, par exemple“, indique-t-on à la subdivision de la DDE de Dol-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine) : il s’agit ici de ne pas autoriser la transformation en habitation de n’importe quel hangar en tôle ondulée, mais de réhabiliter des bâtiments présentant un intérêt patrimonial.

Autre critère à vérifier, la question du raccordement de la parcelle aux réseaux d’eau et d’électricité. Pour que le permis soit accordé, il faut en général que le terrain les longent ou n’en soit pas trop éloigné, sinon les coûts sont prohibitifs pour la commune et elle ne le fera pas si elle n’a pas prévu d’aménager l’endroit concerné.

Enfin, il reste la question de la distance minimale à respecter entre les habitations et une exploitation agricole afin de préserver de bonnes relations de voisinage. Un règlement sanitaire départemental va par exemple imposer une distance minimale de 50 m entre un élevage bovin et des habitations voisines. Lorsqu’il s’agit d’installations classées (établissements abritant des activités dont le fonctionnement occasionne des nuisances pour l’environnement), la distance est au minimum de 100 m.

En milieu urbain, les problèmes sont d’un autre ordre. A la mairie de Bagnolet (93), haut lieu de la transformation des immeubles industriels en lofts, on cite trois problématiques principales qui peuvent mener à des refus de permis : l’obligation d’assurer la moitié du COS en activités, pour maintenir la mixité des usages et des populations (la mode du loft, à force d’attirer une catégorie d’artistes aisés risquant de déséquilibrer la composition de la ville) ; la question du stationnement obligatoire par logement (un pour 90m2 de logement à Bagnolet) et le problème des vues : “Les locaux industriels prennent souvent toute la parcelle, ce qui empêche d’ouvrir des fenêtres à cause des règles de vu.

En clair, selon le quartier et la commune, les réponses peuvent être diamétralement opposées. Ainsi, si vous avez repéré un vieil entrepôt dans un quartier en déshérence industrielle que la ville souhaite transformer en quartier résidentiel, vous avez toutes vos chances. Si le même entrepôt est dans un quartier au sein duquel la commune souhaite préserver une activité industrielle, votre projet a peu de chances d’aboutir.

Pour l’administration, un changement de destination est une construction neuve. Les aides auxquelles vous pourrez prétendre correspondent donc pour l’essentiel, à celles proposées pour le neuf.

Le changement de destination avec travaux, qui a fait l’objet d’un permis de construire, est considéré comme une construction neuve. Il n’ouvre donc pas droit aux subventions pour la mise aux normes distribuées par l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat (Anah), qui s’appliquent à la réhabilitation de logements existant depuis plus de quinze ans.

Dans la même logique, ils n’ouvrent pas non plus droit à la TVA réduite puisque celle-ci s’applique uniquement aux travaux d’entretien et de rénovation dans des logements de plus de deux ans (voir à ce sujet notre dossier TVA réduite).

Il sera possible, en revanche, de bénéficier du prêt à taux zéro, si vous respectez ses conditions d’attribution (premier achat d’une résidence principale avec plafond de ressources, voir à ce sujet notre dossier Prêts (bancaires, Aidés, …)

D’autres aides sont toujours possibles comme les subventions ou crédits d’impôts pour les technologies propres et l’isolation, la protection architecturale (si votre demeure présente un intérêt historique et architectural), les monuments historiques (s’il s’agit d’un bâtiment classé ou inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques), ou pour la création d’un gîte ou d’une chambre d’hôte (voir à ce sujet notre dossier Aides et Subventions).

Le changement de destination entraîne des modifications fiscales : suppression de la taxe professionnelle ; transformation de la taxe d’habitation. L’impôt foncier sera modifié, car il est calculé sur la valeur locative, qui n’est pas la même s’il s’agit d’une activité commerciale ou d’un logement.